Cela fait vraiment plaisir de te retrouver en France, Joe. Première question, comment vas-tu depuis tes problèmes de santé (Joe Louis avait du être hospitalisé, en janvier 2007, à Long Island suite à une insuffisance respiratoire et une sévère chute de tension alors qu’il participait à une croisière Blues dans les Caraïbes, Nda) ?
Cela va beaucoup mieux !
Je me sens parfaitement bien et je continue à m’entretenir en faisant des exercices.
Tout est bon (en français dans le texte, Nda) !
Peux-tu présenter le groupe qui t’accompagne sur cette tournée. S’agit-il d’une nouvelle formation ?
Non, il ne s’agit pas d’un nouveau groupe.
Mon bassiste Henri Oden m’accompagne depuis 25 ans. Il était déjà avec moi, au Nancy Jazz Pulsations, il y a 22 ans…
Le guitariste, Linwood Taylor, qui a son propre groupe aux Etats-Unis joue avec moi depuis 20 ans.
Le batteur, Steve Eldrige, vient de Chicago et a intégré mon groupe il y a une quinzaine d’années. Il joue également avec beaucoup d’autres artistes (lors du concert du soir, le guitariste français Amar Sundy est venu en invité surprise prêter main forte sur scène à son ami Joe Louis, Nda).
Tu es de retour en France, que représente ce pays pour toi ?
C’est un second foyer !
J’ai eu l’occasion de vivre en deux endroits différents dans ce pays que j’ai traversé à de nombreuses reprises lors de tournées. Je connais beaucoup de choses sur la France…
Peux-tu revenir sur ton apprentissage de la musique et tes premières influences ?
Mes premières influences sont, tout simplement, ma mère et mon père. Ce sont eux qui m’ont sensibilisé à la musique alors que je n’étais qu’un enfant. Je ne devais pas avoir plus de 5 ou 6 ans…
J’ai très vite été imprégné du Blues du Mississippi d’où est originaire mon père. Ainsi que de la musique de l’Arkansas d’où vient ma mère. Mes cousins étaient déjà musiciens et nous avions fait un groupe ensemble. Nous étions 5 cousins à le constituer…
Durant toute ma croissance, j’ai été amené à découvrir et à m’ouvrir à de nombreux musiciens différents comme Mississippi Fred McDowell, l’immense Freddie King et beaucoup d’autres artistes tels que ceux-ci…
Je me suis aussi intéressé au Gospel et à la Soul Music. Des musiciens comme Sly Stone (leader du groupe Sly and The Family Stone, Nda) etc…
J’ai donc écouté beaucoup de genres musicaux différents qui ont tous eu une influence sur moi.
Comment as-tu rencontré Mike Bloomfield (chanteur - guitariste et compositeur américain à l’origine des groupes Paul Butterfield Blues Band puis Electric Flag dans les années 1960, Nda) ?
J’ai connu Michael au milieu des années 1960 et je l’ai fréquenté pendant quelques années. Je lui dois le fait de savoir jouer de la guitare dans différents styles. Il m’a montré et appris beaucoup de choses…
J’étais jeune et durant ces 9 années il m’a présenté à de nombreux musiciens. Certains d’entre eux étaient de Chicago et avaient l’habitude de passer du temps dans la maison de Michael lorsqu’ils passaient près de chez lui du côté de San Francisco en Californie (ville dont est aussi originaire Joe Louis, Nda). Ainsi j’ai rencontré Carey Bell, Muddy Waters et beaucoup d’autres personnes…
Sa porte était toujours ouverte pour moi (Mike Bloomfield a succombé à une overdose en 1981, Nda)…
Sur ton album « Great Guitars » (1997) tu as invité de nombreux grands guitaristes comme Scotty Moore, Clarence « Gatemouth » Brown etc…
Avec qui rêverais-tu travailler aujourd’hui ?
J’aimerais beaucoup faire quelque chose avec Youssou N’Dour en ce qui concerne la musique africaine.
Il y a aussi Johnny Winter dans le domaine du Blues…
Dans un autre registre je pourrais citer des jazzmen comme Bobby Watson, Herbie Hancock etc…
Si je suis un amoureux du Blues, j’apprécie énormément d’autres genres !
As-tu des nouvelles de Matt « Guitar » Murphy avec lequel tu avais fait une tournée (l’Acoustic Blues Summit Tour en trio avec l’harmoniciste Billy Branch en 1999, Nda) ?
J’ai entendu quelques échos de Matt qui disaient qu’il allait bien. C’est OK pour lui mais il n’est, cependant, pas en état de pouvoir jouer et se produire sur scène.
Il a un mental très fort et ce ne serait pas une surprise, pour moi, de le voir rejouer un jour…
De nombreuses personnes te considèrent comme un roi du Blues contemporain. Est-ce une bonne définition pour toi ?
Tu sais, j’ai déjà entendu dire que j’étais le roi de ci ou de ça. Tout ce que je peux te confirmer c’est que, lorsque je suis revenu au Blues dans les années 1980, j’ai simplement essayé d’apporter ma propre vision de cette musique et de l’emmener avec moi dans la direction où je voulais aller.
J’ai eu la chance de travailler avec des gens comme Larry Sloven et Bruce Bomberg du label Hightone Records ou encore Jean-Philippe Allard de Verve-Gitanes en France. Je peux tous les remercier car ils m’ont accordé toute leur confiance et c’est grâce à eux que j’ai pu grandir artistiquement parlant. Je serai reconnaissant, envers ces gens, tout le reste de ma vie. J’ai de la chance d’avoir été produit et enregistré par ces compagnies qui ne me disaient pas ce que je devais faire ou ne pas faire…
J’ai également travaillé avec Steve Cropper sur trois albums, Scotty Moore sur un disque, Ike Turner etc…
J’ai été comme un étudiant à leurs côtés et je m’estime, de ce fait, très chanceux…
Je suis toujours entouré de grands connaisseurs en musique comme c’est le cas actuellement avec Sebastian Danchin, qui est à côté de nous, ou d’autres personnes…
Ce sont eux qui me mettent dans la bonne direction.
Peux-tu me présenter ton nouvel album « Witness To The Blues » (distribué en Europe par Dixiefrog, Nda) ?
Pour ce disque « Witness To The Blues » j’ai encore eu de la chance car j’ai pu avoir, comme producteur, Duke Robillard.
C’était très facile de travailler avec lui, c’est une très gentille personnalité. Nous avions déjà eu l’occasion de beaucoup jouer ensemble. En Australie, par exemple, où nous avons aussi participé à des shows de télévision…
Nous avons une longue histoire commune…
Lorsque j’ai déménagé à New-York je lui ai téléphoné afin de lui demander de produire un album sur lequel il pourrait, également, jouer. C’est vraiment lui la star du disque et je lui dois d’avoir fait quelque chose de différent…
Pourquoi as-tu décidé d’enregistrer un duo avec Shemekia Copeland ?
J’avais déjà eu l’occasion de participer à son premier disque et, à cette occasion, de chanter avec elle…
Je suis vraiment fier d’elle car elle est très cultivée, c’est une artiste complète et une chanteuse qui sait vraiment où elle va. Il y a beaucoup de bonnes chanteuses mais peu d’entre elles savent vraiment la direction musicale qu’elles souhaitent prendre.
Cela me fait penser à Al Green qui a fait d’excellents albums quand son producteur était Willie Mitchell. Après cette collaboration Al Green, que j’adore, a essayé de faire ses disques suivants comme si Willie Mitchell en était toujours le producteur mais sans en retrouver la magie. Si je peux écouter tous les enregistrements produits par Willie Mitchell, j’ai plus de mal avec certains de ceux qui ont suivi….
Ce n’est pas exactement le cas d’Elvis Presley qui, après avoir été produit par Sam Philips, a su s’entourer convenablement en travaillant avec Chet Atkins. Ce dernier avait, en tant que producteur, un feeling différent…
Finalement Elvis a pu retrouver le feeling de ses débuts lors de son come back spécial de 1968 ...
Cela a été possible car il a retrouvé, alors, ses amis et sa famille. Comme le guitariste Scotty Moore que l’on peut presque qualifier de membre de la famille d’Elvis, au même titre que DJ Fontana ou Bill Black…
Nous sommes, actuellement, en pleine période électorales aux USA (élections présidentielles 2008). Te considères-tu comme un artiste militant ?
J’ai grandi en plein milieu de l’ère hippie à San Francisco et je me considère davantage comme activiste social. Cela se traduisait par des dons ou des concerts de soutien en faveur des pauvres, des sans abris, des aveugles en Inde et beaucoup d’autres choses de ce type…
J’ai donc travaillé pour cela aux côtés de Mimi Farina (fille du physicien Albert Baez et sœur de Joan Baez, Nda), J’ai ainsi aidé l’association Bread and Roses (association à but non lucratif fondée par Mimi en 1974, Nda) en jouant dans des prisons ou des hôpitaux psychiatriques.
J’ai été élevé à une époque durant laquelle il était normal de venir en aide à la communauté dont tu étais issu et de lui rendre ce qu’elle pouvait t’apporter par ailleurs.
J’aimerais que les USA redeviennent un pays où l’entraide serait chose régulière, mais malheureusement c’est l’argent qui dicte tout aujourd’hui…
Quel serait, sur un point de vue musical, ton rêve pour le futur ?
Je sens qu’une nouvelle vie s’ouvre à moi. Je viens de passer une période durant laquelle j’étais assez malade. J’ai une nouvelle écoute et une nouvelle énergie qui me poussent à me produire à travers le monde.
Ce n’est pas pour gagner beaucoup d’argent mais pour découvrir de nouveaux endroits à travers la planète. Cela me permettra de rencontrer de nouvelles personnes comme cela a été le cas aujourd’hui avec toi David et avec ton collègue Jean-Luc.
Pour moi, c’est la chose la plus importante…
As-tu une conclusion à ajouter ?
Je pense déjà, actuellement, à l’enregistrement de mon prochain album que je pense pouvoir débuter au début de l’année 2009.
J’espère, en attendant, que tout le monde prendra plaisir à écouter « Witness To The Blues »…
Remerciements : Aline, Nancy et Quentin du Nancy Jazz Pulsations ainsi que Sebastian Danchin.
www.myspace.com/joelouiswalker
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